LA PROPOSITION DE RÉPARTITION ENTRE LES MALADIES SUSCITE UNE VIVE CONTROVERSE
Nov 8th 2021
https://www.aidspan.org/fr/c/article/5791
RÉSUMÉ
Lors de sa réunion de la semaine prochaine, le Conseil d’administration du
Fonds mondial examinera s’il convient de conserver la répartition actuelle des
fonds entre les maladies ou de la modifier. Une répartition a été proposée, qui
favorise la tuberculose par rapport au VIH et au paludisme. Cependant, cette
recommandation fait l’objet d’une intense controverse à l’approche de la
réunion du Conseil d’administration.
La réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial qui se tiendra la
semaine prochaine décidera s’il convient d’adopter la proposition du
Secrétariat de modifier la répartition entre les maladies de manière à allouer
davantage de fonds à la tuberculose ou de maintenir le statu quo. Le Fonds
mondial affecte 50 % des fonds à la lutte contre le VIH, 18 % à la lutte contre
la tuberculose et 32 % à la lutte contre le paludisme. Le Secrétariat propose
d’appliquer cette répartition aux premiers 11 milliards de dollars, et
d’appliquer une répartition 45-25-30 pour tout montant levé au-delà des 11
milliards de dollars.
Cet article se penche sur la controverse suscitée par cette proposition et sur
le mouvement en faveur de l’augmentation des fonds alloués à la lutte contre la
tuberculose, alimenté par la campagne TB33%, qui plaide vivement en faveur
d’affecter une part de 33 % à la lutte contre la tuberculose, notamment au
moyen d’une pétition à cet effet. Nous consacrons ensuite un deuxième article à
ce sujet dans la version anglaise de l’OFM, intitulé Will the change in the
Global Fund Disease Split reduce TB deaths?
Comment la répartition entre les maladies est-elle fixée ?
Afin de garantir que les ressources du Fonds mondial sont dépensées de manière
stratégique, les fonds totaux disponibles sont répartis entre les trois
maladies. Pour cette répartition des fonds mobilisés lors de la reconstitution
des ressources, le partenariat du Fonds mondial s’appuie principalement sur les
estimations de la charge de morbidité, le revenu national brut (RNB) et un
barème de calcul. Le barème appliqué à l’heure actuelle donne une répartition
de 50 % des ressources pour le VIH, 32 % pour le paludisme et 18 % pour la
tuberculose. Il s’agit là du montant total de financement pour chaque maladie.
En ce qui concerne la répartition au sein des pays, celle-ci varie d’un pays à
l’autre. Au départ, la répartition entre les maladies était calculée en
fonction de la charge de morbidité, et le Fonds mondial affirme que c’est
encore le cas, ignorant la différence entre « infection » et « maladie ». Cette
différence peut sembler peu importante, d’autant plus que, non traité, le VIH,
dans la majorité absolue des cas, progresse rapidement vers le sida, ce qui
n’est pas le cas de la tuberculose.
Pourquoi certaines parties prenantes voient que cela ne tient pas compte des
vies perdues, et se concentrent plutôt sur la maladie
Cependant, selon la campagne TB33%, le principal problème de la répartition
entre les maladies est le fait qu’elle rend le partenariat du Fonds mondial
aveugle aux vies humaines fauchées par les trois maladies. La campagne affirme
qu’alors que le Fonds mondial cite fièrement le nombre de vies sauvées comme sa
plus grande réalisation à ce jour pour convaincre les donateurs de soutenir ses
programmes, en dehors de la sphère des relations publiques, il semble que ce
dont il se préoccupe réellement est la maladie, pas les vies humaines. Comment,
sinon, peut-il justifier le fait que 18 % seulement du financement disponible
est alloué à la tuberculose, qui représente pourtant 61 % des décès causés par
les trois maladies. Même si les décès dus à la tuberculose parmi les personnes
vivant avec le VIH sont considérés comme des décès liés au VIH, la tuberculose
représente tout de même 52 % de (ces) décès. Cela est tout à fait inacceptable,
et il faut que cela change. »
Compte tenu de ces chiffres, la campagne TB33% est d’avis qu’il serait logique
que le Fonds mondial revoie la répartition de ses ressources entre les
maladies. Toutefois, elle fait valoir que, pour autant qu’elle puisse voir, le
Secrétariat se préoccupe davantage des répercussions de la répartition entre
les maladies sur la gestion des subventions. La diapositive de la présentation
sur l’examen de l’admissibilité et des allocations préparée par le Secrétariat
du Fonds mondial expose le pour et le contre de chacune des trois options au
sein de la répartition entre les maladies à l’échelle mondiale, à savoir i) pas
de modification de la répartition, ii) des modifications quelles que soient les
ressources ou iii) des modifications si les ressources sont supérieures au
montant des allocations 2020-2022. Le deuxième scénario est seul qui envisage
de façon réaliste la modification de la répartition mais, fait assez
surprenant, il n’est même pas fait mention, dans les répercussions de ce
scénario, des projections de vies sauvées – ces vies que le Fonds mondial est
si fier de sauver. Au lieu de cela, le Secrétariat montre ensuite l’impact
négatif de ce scénario, indiquant clairement au public visé (le Comité de la
stratégie, qui devrait exercer une influence majeure dans la proposition qui
sera soumise au vote du Conseil d’administration) que modifier la répartition
entre les maladies est mauvais pour le Fonds mondial.
La pandémie de COVID-19 a eu un impact colossal sur les maladies et les
systèmes de santé, y compris pour le Fonds mondial et ses programmes. Les
priorités mondiales changent, et il existe un risque que le monde ne considère
plus les trois épidémies comme une priorité absolue. Face à cette situation, la
direction du Fonds mondial insiste sur la nécessité pour le Fonds de changer et
de s’adapter pour rester pertinent dans le contexte plus large de la santé
mondiale, du développement et de la sécurité. Cependant, fait valoir la
campagne TB33%, ces efforts ne peuvent détourner l’attention du barème
inéquitable de répartition des ressources du Fonds mondial ni servir à
justifier son maintien.
La campagne TB33% appelle à signer une pétition en ces termes :
Nous, la communauté mondiale des personnes touchées par la tuberculose, les
organisations de la société civile, les partenaires techniques, les donateurs,
les chercheurs et le secteur privé, condamnons cette approche du Fonds mondial
et demandons que celui-ci défende ce qu’il prétend être l’indicateur de
réussite le plus important – les vies humaines sauvées. Faire semblant que
l’approche fondée sur la charge de morbidité est justifiée, et qu’il est juste
de diriger les ressources là où les maladies (plus précisément deux maladies et
une infection) se trouvent, affectant ainsi le moins de ressources à la maladie
qui provoque le plus de décès, est une forme d’hypocrisie des plus révoltantes
qui fait pâlir les autres réalisations du Fonds mondial.
Que l’on soit ou non d’accord avec ce point de vue, le Conseil d’administration
peut s’attendre à des discussions extrêmement chargées d’émotion sur ce qui est
à juste titre perçu comme une question de vie ou de mort.
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